Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1825, tome 6.djvu/64

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Heureusement pour moi, la conversation finit là, car nous étions arrivés ; tout ce qu’il put faire, ce fut de me dire à l’oreille : Allez, friponne, allez rendre votre cœur plus traitable et moins sourd, je vous laisse le mien pour vous y aider.

Ce discours était assez net, et il était difficile de parler plus français : je fis semblant d’être distraite pour me dispenser d’y répondre ; mais un baiser qu’il m’appuyait sur l’oreille en me parlant s’attirait mon attention malgré que j’en eusse, et il n’y avait pas moyen d’être sourde à cela ; aussi ne le fus-je pas. Monsieur, ne vous ai-je pas fait mal ? m’écriai-je d’un air naturel, en feignant de prendre le baiser qu’il m’avait donné pour le choc de sa tête avec la mienne. Dans le temps que je disais cela, je descendais de carrosse, et je crois qu’il fut la dupe de ma petite finesse, car il me répondit très naturellement que non.

J’emportai le ballot de hardes, que j’allai serrer dans notre chambre, pendant que M. de Climal était dans la boutique de Mme Dutour. Je redescendis sur-le-champ : Marianne, me dit-il d’un ton froid, faites travailler à votre habit dès aujourd’hui : je vous reverrai dans trois ou quatre jours, et je veux que vous l’ayez. Et puis, parlant à Mme Dutour : J’ai tâché, dit-il, de l’assortir avec de très beau linge qu’elle m’a montré, et que lui a laissé la demoiselle qui est morte.

Et là-dessus vous remarquerez, ma chère amie que M. de Climal m’avait avertie qu’il parlerait comme