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Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1825, tome 6.djvu/77

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pour aller de là au mieux du mieux ; et que, pour attraper ce dernier mieux, il faut lire dans l’âme des hommes, et savoir préférer ce qui la gagne le plus à ce qui ne fait que la gagner beaucoup : et cela est immense !

Je badine un peu sur notre science, et je n’en fais point de façon avec vous, car nous ne l’exerçons plus ni l’une ni l’autre ; et à mon égard, si quelqu’un riait de m’avoir vu coquette, il n’a qu’à me venir trouver, je lui en dirai bien d’autres, et nous verrons qui de nous deux rira le plus fort.

J’ai eu un petit minois qui ne m’a pas mal coûté de folies, quoiqu’il ne paraisse guère les avoir méritées à la mine qu’il fait aujourd’hui : aussi il me fait pitié quand je le regarde, et je ne le regarde que par hasard ; je ne lui fais presque plus cet honneur-là exprès. Mais ma vanité, en revanche, s’en est bien donné autrefois : je me jouais de toutes les façons de plaire, je savais être plusieurs femmes en une. Quand je voulais avoir un air fripon, j’avais un maintien et une parure qui faisaient mon affaire ; le lendemain on me retrouvait avec des grâces tendres ; ensuite j’étais une beauté modeste, sérieuse, nonchalante. Je fixais l’homme le plus volage ; je dupais son inconstance, parce que tous les jours je lui renouvelais sa maîtresse, et c’était comme s’il en avait changé.