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Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1825, tome 6.djvu/79

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ma contenance, parce que je m’imaginais qu’il y en avait une à tenir, et qu’étant jolie et parée, il fallait prendre garde à moi de plus près qu’à l’ordinaire. Je me redressais, car c’est par où commence une vanité novice ; et autant que je puis m’en ressouvenir, je ressemblais assez à une aimable petite fille, toute fraîche sortie d’une éducation de village, et qui se tient mal, mais dont les grâces encore captives ne demandent qu’à se montrer.

Je ne faisais pas valoir non plus tous les agréments de mon visage : je laissais aller le mien sur sa bonne foi, comme vous le disiez plaisamment l’autre jour d’une certaine dame. Malgré cela, nombre de passants me regardèrent beaucoup, et j’en étais plus réjouie que surprise, car je sentais fort bien que je le méritais ; et sérieusement il y avait peu de figures comme la mienne, je plaisais au cœur autant qu’aux yeux, et mon moindre avantage était d’être belle.

J’approche ici d’un événement qui a été l’origine de toutes mes autres aventures, et je vais commencer par là la seconde partie de ma vie ; aussi bien vous ennuieriez-vous de la lire tout d’une haleine, et cela nous reposera toutes deux.

Seconde partie

Avertissement

La première partie de la Vie de Marianne a paru faire plaisir à bien des gens ; ils en ont surtout aimé les réflexions qui y sont semées. D’autres lecteurs ont dit qu’il y en avait trop ; et c’est à ces derniers à qui ce petit Avertissement s’adresse.

Si on leur donnait un livre intitulé Réflexions sur l’Homme, ne le liraient-ils pas volontiers, si les réflexions en étaient bonnes ? Nous en avons même beaucoup, de ces livres, et dont quelques-uns sont fort estimés ; pourquoi donc les réflexions leur déplaisent-elles ici, en cas qu’elles n’aient contre elles que d’être des réflexions ?

C’est, diront-ils, que dans des aventures comme celles-ci, elles ne sont pas à leur place : il est question de nous y amuser, et non pas de nous y faire penser.

À cela voici ce qu’on leur répond. Si vous regardez la Vie de Marianne comme un roman, vous avez raison, votre critique est juste ; il y a trop de réflexions, et ce n’est pas là la forme ordinaire des romans, ou des histoires faites simplement pour divertir. Mais Marianne n’a point songé à faire un roman