Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1825, tome 6.djvu/87

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mal, en faveur d’une main nue qui se montrait en y retouchant, et qui amenait nécessairement avec elle un bras rond, qu’on voyait pour le moins à demi, dans l’attitude où je le tenais alors.

Les petites choses que je vous dis là, au reste, ne sont petites que dans le récit ; car, à les rapporter, ce n’est rien : mais demandez-en la valeur aux hommes. Ce qui est de vrai, c’est que souvent dans de pareilles occasions, avec la plus jolie physionomie du monde, vous n’êtes encore qu’aimable, vous ne faites que plaire ; ajoutez-y seulement une main de plus, comme je viens de le dire, on ne vous résiste plus, vous êtes charmante.

Combien ai-je vu de cœurs hésitants de se rendre à de beaux yeux, et qui seraient restés à moitié chemin sans le secours dont je parle !

Qu’une femme soit un peu laide, il n’y a pas grand malheur, si elle a la main belle : il y a une infinité d’hommes plus touchés de cette beauté-là que d’un visage aimable ; et la raison de cela, vous la dirai-je ? Je crois l’avoir sentie.

C’est que ce n’est point une nudité qu’un visage, quelque aimable qu’il soit ; nos yeux ne l’entendent pas ainsi : mais une belle main commence à en devenir une ; et pour fixer de certaines gens, il est bien aussi sûr de les tenter que de leur plaire. Le goût de ces gens-là, comme vous le voyez, n’est pas le plus honnête ; c’est pourtant, en général, le goût le mieux servi de la part des femmes, celui à qui leur coquetterie fait le plus d’avances.