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Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1825, tome 6.djvu/93

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faute, puisque la nécessité voulait que je le montrasse devant lui. Ce qui était une bonne fortune pour moi, bonne fortune honnête et faite à souhait, car on croyait qu’elle me faisait de la peine : on tâchait de m’y résoudre, et j’allais en avoir le profit immodeste, en conservant tout le mérite de la modestie, puisqu’il me venait d’une aventure dont j’étais innocente. C’était ma chute qui avait tort.

Combien dans le monde y a-t-il d’honnêtes gens qui me ressemblent, et qui, pour pouvoir garder une chose qu’ils aiment, ne fondent pas mieux leur droit d’en jouir que je faisais le mien dans cette occasion-là !

On croit souvent avoir la conscience délicate, non pas à cause des sacrifices qu’on lui fait, mais à cause de la peine qu’on prend avec elle pour s’exempter de lui en faire.

Ce que je dis là peint surtout beaucoup de dévots, qui voudraient bien gagner le ciel sans rien perdre à la terre, et qui croient avoir de la piété, moyennant les cérémonies pieuses qu’ils font toujours avec eux-mêmes, et dont ils bercent leur conscience. Mais n’admirez-vous pas, au reste, cette morale que mon pied amène ?

Je fis quelque difficulté de le montrer, et je ne voulais ôter que le soulier ; mais ce n’était pas assez. Il faut absolument que je voie le mal, disait le chirurgien, qui y allait tout uniment ; je ne saurais rien dire sans cela ; et là-dessus une femme de charge, que Valville avait chez lui, fut sur-le-champ appelée