Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1825, tome 6.djvu/95

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voyait, et non pas à cause qu’il aimait à me voir.

Dans quel endroit sentez-vous du mal ? me disait le chirurgien en me tâtant. Est-ce là ? Oui, lui répondis-je, en cet endroit même. Aussi est-il un peu enflé, ajoutait Valville en y mettant le doigt d’un air de bonne foi. Allons, ce n’est rien que cela, dit le chirurgien, il n’y a qu’à ne pas marcher aujourd’hui ; un linge trempé dans de l’eau-de-vie et un peu de repos vous guériront. Aussitôt le linge fut apporté avec le reste, la compresse fut mise, on me chaussa, le chirurgien sortit, et je restai seule avec Valville, à l’exception de quelques domestiques qui allaient et venaient.

je me doutais bien que je serais là quelque temps, et qu’il voudrait me retenir à dîner ; mais je ne devais pas paraître m’en douter.

Après toutes les obligations que je vous ai, lui dis-je, oserais-je encore vous prier, monsieur, de m’envoyer chercher une chaise, ou quelque autre voiture qui me mène chez moi ? Non, mademoiselle, me répondit-il, vous n’irez pas sitôt chez vous, on ne vous y reconduira que dans quelques heures ; votre chute est toute récente, on vous a recommandé de vous tenir en repos, et vous dînerez ici. Tout ce qu’il faut faire, c’est d’envoyer dire où vous êtes, afin qu’on ne soit point en peine de vous.

Et il le fallait effectivement, car mon absence allait alarmer Mme Dutour : et d’ailleurs, qu’est-ce que Valville aurait pensé de moi, si j’avais été ma maîtresse au point de n’avoir à rendre compte à personne de ce que j’étais devenue ? Tant d’indépendance