Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1825, tome 6.djvu/97

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de confiance ; et quelle chute n’était-ce pas faire là dans son esprit ?

Le croiriez-vous pourtant ? malgré tout ce que je risquais là-dessus en ne donnant de mes nouvelles à personne, j’hésitai sur le parti que je prendrais. Et savez-vous pourquoi ? C’est que je n’avais que l’adresse d’une lingère à donner. je ne pouvais envoyer que chez Mme Dutour, et Mme Dutour choquait mon amour-propre ; je rougissais d’elle et de sa boutique.

je trouvais que cette boutique figurait si mal avec une aventure comme la mienne ; que c’était quelque chose de si décourageant pour un homme de condition comme Valville, que je voyais entouré de valets ; quelque chose de si mal assorti aux grâces qu’il mettait dans ses façons ; j’avais moi-même l’air si mignon, si distingué ; il y avait si loin de ma physionomie à mon petit état ; comment avoir le courage de dire : Allez-vous-en à telle enseigne, chez Mme Dutour, où je loge ! Ah ! l’humiliant discours !

Passe pour n’être pas née de parents riches, pour n’avoir que de la naissance sans fortune ; l’orgueil, tout nu qu’il est par là, se sauve encore ; cela ne lui ôte que son faste et ses commodités, et non pas le droit qu’il a aux honneurs de ce monde ; mais un si grand étalage de politesse et d’égards n’était pas dû à une petite fille de boutique : elle était bien hardie de l’avoir souffert, de n’y avoir pas mis ordre par sa confusion.

Et c’était là le retour de réflexion que je craignais dans