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Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1825, tome 6.djvu/98

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Valville. Quoi ! ce n’est que cela ? me semblait-il lui entendre dire à lui-même ; et l’ironie de ce petit soliloque-là me révoltait tant de sa part, que, tout bien pesé, j’aimais mieux lui paraître équivoque que ridicule, et le laisser douter de mes mœurs que de le faire rire de tous ses respects. Ainsi je conclus que je n’enverrais chez personne, et que je dirais que cela n’était pas nécessaire.

C’était bien mal conclure, j’en conviens, et je le sentais mais ne savez-vous pas que notre âme est encore plus superbe que vertueuse, plus glorieuse qu’honnête, et par conséquent plus délicate sur les intérêts de sa vanité que sur ceux de son véritable honneur ?

Attendez pourtant, ne vous alarmez pas. Ce parti que j’avais pris, je ne le suivis point ; car dans l’agitation qu’il me causait à moi-même, il me vint subitement une autre pensée.

je trouvai un expédient dont ma misérable vanité fut contente, parce qu’il ne prenait rien sur elle, et qu’il n’affligeait que mon cœur ; mais qu’importe que notre cœur souffre, pourvu que notre vanité soit servie ? Ne se passe-t-on pas de tout, et de repos, et de plaisirs, et d’honneur même, et quelquefois de la vie, pour avoir la paix avec elle ?

Or cet expédient dont je vous parle, ce fut de vouloir absolument m’en retourner.

Quoi ! quitter sitôt Valville ? me direz-vous. Oui, j’eus le courage de m’y résoudre, de m’arracher à une situation