Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1825, tome 7.djvu/104

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jeune duc de…, son colonel, ne le quittait point, et ne revenait presque jamais au pays.

Et pendant tout ce temps-là, que disait ma mère ? Rien nous n’entendions plus parler d’elle, ni elle de nous, Ce n’est pas que je ne demandasse quelquefois ce qu’elle faisait, et si elle ne viendrait pas nous voir ; mais comme ces questions-là. m’échappaient en passant, que je les faisais étourdiment et à la légère, Mme de Tresle n’y répondait qu’un mot dont je me contentais, et qui ne me mettait point au fait de ses dispositions pour moi.

Enfin, arriva le temps qui me dévoila ce que l’on me cachait. Mme de Tresle, qui était fort âgée, tomba malade, se rétablit un peu, et n’était plus que languissante ; mais six semaines après, elle eut une rechute qui l’emporta.

L’état où je la vis dans ce dernier accident me rendit sérieuse ; j’en perdis mon étourderie, ma dissipation ordinaire, et cet esprit de petite fille que j’avais encore. En un mot, je m’inquiétai, je pensai, et ma première pensée fut de la tristesse, ou du chagrin.

Je pleurais quelquefois par des motifs confus d’inquiétude ; je voyais Mme de Tresle mal servie par les domestiques, qui la regardaient comme une femme morte. J’avais beau les presser d’agir, d’être attentifs, ils ne m’écoutaient point, ils ne se souciaient plus de moi, et je n’osais moi-même me révolter, ni faire valoir ma petite autorité comme auparavant ; ma confiance baissait, je ne sais pourquoi.

Mes deux tantes venaient de temps en temps à la