Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1825, tome 7.djvu/111

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comme il lui plaira. Je ne vois point d’autre arrangement, dès que nous ne pouvons pas l’emmener, et qu’il n’y a point d’autres parents ici. Je ne suis pas d’avis qu’il m’en arrive autant qu’à ma mère, à qui la marquise, toute grande dame et toute riche qu’elle est, n’a pas eu honte de la laisser pendant dix ans entiers, qui, pour surcroît de ridicule, ont fini par un legs de mille écus (elle parlait du diamant). Jugez-en, Marianne. Voyez si l’on pouvait, moi présente, me rejeter avec plus d’insulte, ni traiter de ma situation avec moins d’humanité, ni me la montrer avec moins d’égard pour la faiblesse de mon âge.

Aussi en eus-je l’esprit troublé ; cet asile qu’on me refusait, celui qu’on me reprochait d’avoir trouvé chez Mme de Tresle ; ce misérable gîte qu’on me destinait dans le lieu même où j’avais été si heureuse, où Mme de Tresle m’avait tant aimée, où je me dirais sans cesse : Où est-elle ? où le croirais toujours la voir, et toujours avec la douleur de ne la voir jamais ; enfin, ce récit qu’on me faisait en passant du peu d’intérêt que ma mère prenait à moi, tout cela me pénétra si fort, qu’en m’écriant : Ah ! mon Dieu ! mon visage à l’instant fut couvert de larmes.

Pendant qu’on délibérait ainsi sur ce qu’on ferait de moi, M. Villot, cet ancien fermier de mon grand-père, et à qui Mme de Tresle avait écrit, entra dans la salle. Je le connaissais, je l’avais vu venir souvent à la maison pour des achats de blé ; et l’air plein de zèle et de bonne volonté avec lequel il jeta