Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1825, tome 7.djvu/192

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

j’allais lui faire pour cette somme que je tenais toute prête, et que j’avais augmentée de moitié.

Je l’abordai d’abord avec cet air qu’on a quand on vient dire aux gens qu’on n’a pas réussi pour eux ; il se méprit à mon air, et crut qu’il signifiait que sa visite m’était, en ce moment-là, importune ; c’est du moins ce que je compris à sa réponse.

Je suis honteux de la peine que je vous donne, mademoiselle, et je crains bien de n’avoir pas pris une heure convenable, me dit-il en me saluant avec toutes les grâces qu’il avait, ou que je lui croyais.

Non, monsieur, lui repartis-je, vous venez à propos, et je vous attendais ; mais ce qui me mortifie, c’est que j’ai encore votre bague, et que je n’ai pu engager ma tante à la prendre, comme je vous l’avais fait espérer ; elle a beaucoup de ces sortes de bijoux, et ne saurait, dit-elle, à quoi mettre le vôtre. Elle serait cependant charmée d’obliger d’honnêtes gens ; et quoiqu’elle ne vous connaisse pas, sur ce que je lui ai dit que les personnes à qui vous appartenez étaient restées dans le village prochain, qu’elles venaient dans ce pays-ci pour une affaire de conséquence, et que vous ne vendiez ce petit bijou que pour en tirer un argent dont vos parents avaient actuellement besoin ; enfin ; monsieur, sur la manière dont je lui ai parlé de vous et de l’attention que vous méritiez, elle a cru qu’elle ne risquerait rien à vous faire un plaisir qu’elle serait bien aise qu’on lui fît en pareil cas ; c’est de vous prêter cette somme, en attendant que les vôtres aient reçu de l’argent, ou que vous ayez