Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1825, tome 7.djvu/196

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de quelque chose. Sais-tu bien qu’il a un son de voix qui m’a émue ? En vérité, j’ai cru entendre parler mon fils. Que te disait-il quand je suis arrivée ? Qu’une amie que son père avait trouvée, repris-je, l’avait tiré du besoin d’argent où il était, et qu’il vous rendait mille grâces de la somme que vous offriez de prêter.

À te dire le vrai, me répondit-elle, ce jeune homme parle d’un accommodement de famille, et je crains fort que le père ne se soit autrefois battu ; il y a toute apparence que c’est pour cela qu’il se cache ; et tant pis, il lui sera difficile de sortir d’une pareille affaire.

On vint alors nous interrompre ; je laissai Mme Dursan, et j’allai dans ma chambre pour y être seule. J’y rêvai assez longtemps sans m’en apercevoir ; j’avais voulu remettre à ma tante les dix écus qu’elle m’avait donnés pour le jeune homme, mais elle me les avait laissés. Et il reviendra, disais-je, il reviendra ; je suis d’avis de garder toujours cette somme ; il ne sera peut-être pas fâché de la retrouver. Et je m’applaudissais innocemment de penser ainsi. J’aimais à me sentir un si bon cœur.

Le lendemain, je crus que la journée ne se passerait pas sans que je revisse le jeune homme, c’était là mon idée ; et l’après-dînée, je m’attendais à tout moment qu’on allait m’avertir qu’il me demandait. Cependant la nuit arriva sans qu’il eût paru, et mon