Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1825, tome 7.djvu/197

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bon cœur, par un dépit imperceptible, et que j’ignorais moi-même, en devint plus tiède.

Le jour d’après, point de visite non plus. Malgré ma tiédeur, j’avais porté jusque-là l’argent que je lui destinais ; mais alors : Allons, me dis-je, il n’y a qu’à le remettre dans ma cassette ; et c’était toujours mon bon cœur qui se vengeait sans que je le susse.

Enfin, le surlendemain, une des meilleures amies de Mme Dursan, femme à peu près de son âge, qui l’était venue voir sur les quatre heures, et que je reconduisais par galanterie jusqu’à son carrosse, qu’elle avait fait arrêter dans la grande allée, me dit au sortir du château : Promenons-nous un instant de ce côté. Et elle tournait vers un petit bois qui était à droite et à gauche de la maison, et qu’on avait percé pour faire l’avenue. Il y a quelqu’un qui nous y attend, ajouta-t-elle, qui n’a pas osé me suivre chez vous, et que je suis bien aise de vous montrer.

Je me mis à rire. Au moins puis-je me fier à vous, madame, et n’a-t-on pas dessein de m’enlever ? lui répondis-je.

Non, reprit-elle du même ton, et je ne vous mènerai pas bien loin.

En effet, à peine étions-nous entrées dans cette partie du bois, que je vis à dix pas de nous trois personnes qui nous abordèrent avec de grandes révérences ; et de ces trois personnes j’en connus une, qui était mon jeune homme. L’autre était une femme très bien faite, d’environ trente-huit à quarante ans, qui devait avoir été de la plus grande beauté, et à qui