Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1825, tome 7.djvu/20

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sa femme, qui est malheureuse à ma place, et qui, avant que d’être à lui, aurait eu l’aveugle folie de se consumer en regrets, s’il l’avait quittée à son tour. Vous m’allez dire que vous l’aimez, que vous n’avez point de bien, et qu’il aurait fait votre fortune. Soit ; mais n’avez-vous que son infidélité à craindre ? Etait-il à l’abri d’une maladie ? Ne pouvait-il pas mourir ? et en ce cas, tout était-il perdu ? N’y avait-il plus de ressources pour vous ? et celles qui vous seraient restées, son inconstance vous les ôte-t-elle ? Ne les avez-vous pas aujourd’hui ? Vous l’aimez ; pensez-vous que vous ne pourrez jamais aimer que lui, et qu’à cet égard tout est terminé pour vous ? Eh ! mon Dieu, mademoiselle, est-ce qu’il n’y a plus d’hommes sur la terre, et de plus aimables que lui, d’aussi riches, de plus riches même, de plus grande distinction, qui vous aimeront davantage, et parmi lesquels il y en aura quelqu’un que vous aimerez plus que vous n’avez aimé l’autre ? Que signifie votre désolation ? Quoi ! mademoiselle, à votre âge ! Eh ! vous êtes si jeune, vous ne faites que commencer à vivre. Tout vous rit ; Dieu vous a donné de l’esprit, du caractère, de la figure, vous avez mille heureux