Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1825, tome 7.djvu/212

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

qu’il avait de respirer il fût encore resté trop affaibli par les efforts qu’il venait de faire pour arriver jusqu’à l’endroit du bois où nous étions, il lui prit un étouffement qui le fit retomber à sa place, où nous crûmes qu’il allait expirer.

Sa femme, qui était sortie du château pour nous joindre, accourut aux cris du fils, qui ne furent entendus que d’elle. J’étais moi-même si tremblante qu’à peine pouvais-je me soutenir, et je tenais un flacon dont je lui faisais respirer la vapeur ; enfin son étouffement diminua, et Mme Dursan le trouva un peu mieux en arrivant ; mais de croire qu’il put regagner le carrosse de Mme Dorfrainville, ni qu’il soutînt le mouvement de ce carrosse depuis le château jusque chez elle, il n’y avait pas moyen de s’en flatter, et il nous dit qu’il ne se sentait pas cette force-là.

Sa femme et son fils, tous deux plus pâles que la mort, me regardaient d’un air égaré, et me disaient : Que ferons-nous donc ? je me déterminai.

Il n’y a point à hésiter, leur répondis-je ; on ne peut mettre monsieur qu’au château même ; et pendant que ma tante est avec Mme Dorfrainville, je vais chercher du monde pour l’y transporter.

Au château ! s’écria sa femme ; eh ! mademoiselle, nous sommes perdus ! Non, lui dis-je, ne vous inquiétez pas ; je me charge de tout, laissez-moi faire.

J’entrevis en effet, dans le parti que je prenais, que, de tous les accidents qu’il y avait à craindre, il n’y en avait pas un qui ne pût tourner à bien.