Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1825, tome 7.djvu/224

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Non, monsieur, non, restez comme vous êtes, je vous prie ; vous n’êtes que trop dispensé de toute cérémonie, lui dit-elle sans l’envisager encore.

Après quoi nous la plaçâmes dans un fauteuil à côté du chevet, et nous nous tînmes debout auprès d’elle.

Vous avez désiré m’entretenir, monsieur ; voulez-vous qu’on s’écarte ? Ce que vous avez à me dire doit-il être secret ? reprit-elle ensuite, moins en le regardant qu’en prêtant l’oreille à ce qu’il allait répondre.

Le malade là-dessus fit un soupir ; et comme elle appuyait son bras sur le lit, il porta la main sur la sienne ; il la lui prit, et dans la surprise où elle était de ce qu’il faisait, il eut le temps de l’approcher de sa bouche, d’y coller ses lèvres, en mêlant aux baisers qu’il y imprimait quelques sanglots à demi étouffés par sa faiblesse et par la peine qu’il avait à respirer.

À cette action, la mère, alors troublée et confusément au fait de la vérité, après avoir jeté sur lui des regards attentifs et effrayés : Que faites-vous donc là ? lui dit-elle, d’une voix que son effroi rendait plus forte qu’à l’ordinaire. Qui êtes-vous, monsieur ? Votre victime, ma mère, répondit-il du ton d’un homme qui n’a plus qu’un souffle de vie.

Mon fils ! Ah ! malheureux Dursan ! je te reconnais assez pour en mourir de douleur, s’écria-t-elle en retombant dans le fauteuil, où nous la vîmes pâlir et rester comme évanouie.