Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1825, tome 7.djvu/245

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plaît ; heureusement que j’arrive à propos ; vous n’avez point encore mangé, et je vous enlève de la part de toute la compagnie. On ne se mettra point à table que vous ne voyez venue.

Elle s’était brusquement levée, comme pour m’écarter de la table et de la vue de son dîner. Je me conformai à son intention, et ne m’avançai pas.

Non, mademoiselle, me répondit-elle en m’embrassant, ne prenez point garde à moi, je vous prie : j’ai été longtemps malade, je suis encore convalescente, il faut que j’observe un régime qui m’est nécessaire, et que j’obséderais mal en compagnie. Voilà mes raisons ; voyez si vous voulez que je m’expose ; je suis bien sûre que non, et vous seriez la première à m’en empêcher. Je crus de bonne foi ce qu’elle me disait, et je n’en insistai pas moins.

Je ne me rends point, lui dis-je, je ne veux point vous laisser seule : venez, madame, et fiez-vous à moi, je veillerai sur vous avec la dernière rigueur, je vous garderai à vue. On n’a pas encore servi, il n’y a qu’à dire en passant qu’on joigne votre dîner au nôtre ; et je la prenais sous le bras pour l’emmener en