Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1825, tome 7.djvu/246

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lui parlant ainsi. De sorte que je l’entraînais déjà sans qu’elle sût que me répondre, malgré la répugnance que je lui voyais toujours.

Mon Dieu ! mademoiselle, me dit-elle en s’arrêtant d’un air triste et même douloureux, que votre empressement, me fait de plaisir et de peine ! Faut-il vous parler confidemment ? Je viens d’une petite maison de campagne que j’ai ici près : j’y avais apporté un certain argent pour y passer environ un mois. Je sortais de maladie, la fièvre m’y a reprise, je m’y suis laissé gagner par le temps ; il ne me reste bien précisément que ce qu’il me faut pour retourner à Paris, où je serai demain, et je ne songe qu’à arriver. Ce que je vous dis là, au teste, n’est fait que pour vous, mademoiselle, vous le sentez bien, et vous aurez la bonté de m’excuser auprès des autres sur ma santé.

Quelque peu de souci qu’elle affectât d’avoir elle-même de cette disette d’argent qu’elle m’avouait et qu’elle voulait que je regardasse comme un accident sans conséquence, ce qu’elle me disait là me toucha cependant, et je crus voir moins de tranquillité sur son visage qu’elle n’en marquait dans son discours. Il y a de certains états où l’on ne prend pas l’air qu’on veut.

Eh ! madame, m’écriai-je avec une franchise vive et badine, et en lui mettant ma bourse dans la main, que j’aie l’honneur de vous être bonne à quelque chose ; servez-vous de cet argent jusqu’à Paris, puisque vous avez négligé d’en faire venir, et ne nous