Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1825, tome 7.djvu/25

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Eh quoi ! avec de la vertu, avec de la raison, avec un caractère et des sentiments qu’on estime, avec ma jeunesse et les agréments qu’on dit que j’ai, j’aurais la lâcheté de périr d’une douleur qu’on croira peut-être intéressée, et qui entretiendra encore la vanité d’un homme qui en use si indignement !

Cette dernière réflexion releva mon courage ; elle avait quelque chose de noble qui m’y attacha, et qui m’inspira des résolutions qui me tranquillisèrent. Je m’arrangeai sur la manière dont j’en agirais avec Valville, dont je parlerais à Mme de Miran dans cette occurrence.

En un mot, je me proposai une conduite qui était fière, modeste, décente, digne de cette Marianne dont on faisait tant de cas ; enfin une conduite qui, à mon gré, servirait bien mieux à me faire regretter de Valville, s’il lui restait du cœur, que toutes les larmes que j’aurais pu répandre, qui souvent nous dégradent aux yeux même de l’amant que nous pleurons, et qui peuvent jeter du moins un air de disgrâce sur nos charmes.

De sorte qu’enthousiasmée moi-même de mon petit plan généreux, je m’assoupis insensiblement et ne me réveillai qu’assez tard ; mais aussi ne me réveillai-je que pour soupirer.

Dans une situation comme la mienne, avec quelque industrie qu’on se secoure, on est sujette à de fréquentes rechutes, et tous ces petits repos qu’on se procure sont bien fragiles. L’âme n’en jouit qu’en passant, et sait bien qu’elle n’est tranquille que par un tour