Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1825, tome 7.djvu/274

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La femme de chambre avait les larmes aux yeux, et était à quelques pas de nous, qui se taisait. Vous avez grand tort, lui dis-je, de ne nous avoir pas averties dès la première fois que vous nous vîtes. Je n’aurais pas mieux demandé, nous dit-elle ; mais je n’ai pu me dispenser de suivre les ordres de madame ; j’ai été dix-sept ans à son service ; c’est elle qui m’a mise chez Mme de Viry ; je la regarde toujours comme ma maîtresse, et jamais elle n’a voulu me donner la permission de vous instruire, quand vous viendriez.

Ne la querellez point, reprit la malade ; je n’oublierai jamais les témoignages de son bon cœur. Croiriez-vous qu’elle m’apporta ces jours passés tout ce qu’elle avait d’argent, tandis que cinq ou six personnes de la première distinction à qui je me suis adressée, et avec qui j’ai vécu comme avec mes meilleurs amis, n’ont pas eu le courage de me prêter une somme médiocre qui m’aurait épargné les extrémités où je me suis vue, et se sont contentées de se défaire de moi avec de fades et honteuses politesses ? Il est vrai que je n’ai pas pris l’argent de cette fille ; heureusement le vôtre était venu alors. Votre hôtesse même m’avait déjà tirée du plus fort de mes embarras, et je m’acquitterai de tout cela dans quelques jours ; mais ma reconnaissance sera toujours éternelle.

À peine achevait-elle ce peu de mots, qu’un laquais vint dire à Mme Darcire qu’il venait de mener son procureur à la porte de cette auberge, et qu’il l’y attendait pour lui rendre une réponse pressée. Je sais ce que c’est, répondit-elle ; il n’a qu’un mot à me dire,