Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1825, tome 7.djvu/273

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me parlait ainsi, je vis la malade qui joignait tristement les mains, qui me les tendit ensuite en soupirant, et en jetant sur moi des regards languissants et mortifiés, quoique tendres.

Je n’attendis pas qu’elle s’expliquât davantage ; et pour lui ôter sa confusion à force de caresses, je courus tout émue l’embrasser d’un air si vif et si empressé qu’elle fondit en pleurs dans mes bras, sans pouvoir prononcer un mot, dans l’attendrissement où elle était.

Enfin, quand ses premiers mouvements, mêlés sans doute pour elle d’autant d’humiliation que de confiance, furent passés : Je m’étais condamnée à ne vous plus revoir, me dit-elle, et jamais rien ne m’a tant coûté que cela ; c’est ce qu’il y a eu de plus dur pour moi dans l’état où vous me trouvez.

Je redoublai de caresses là-dessus. Vous n’y songez pas, lui dis-je en lui prenant une main, pendant qu’elle donnait l’autre à Mme Darcire, vous n’y songez pas ; vous ne nous avez donc crues ni sensibles ni raisonnables ? Eh ! madame, à qui n’arrive-t-il pas des chagrins dans la vie ? Pensez-vous que nous nous soyons trompées sur les égards et sur la considération qu’on vous doit ? et dans quelque état que vous soyez, une femme comme vous peut-elle jamais cesser d’être respectable ?

Mme Darcire lui tint à peu près les mêmes discours, et effectivement, il n’y en avait point d’autres à lui tenir : il ne fallait que jeter les yeux sur elle pour voir qu’elle était hors de sa place.