Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1825, tome 7.djvu/286

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mais je ne souffrirai point que vous me traitiez avec moins de politesse que vous n’oseriez même en avoir avec votre égale. Moi, vous manquer de politesse, madame ! lui répondit sa belle-fille en se retirant dans son cabinet ; mais vraiment, le reproche est considérable, et je serais très fâchée de le mériter ; quant au respect qu’on vous doit, j’espère que ce public, dont vous menacez, n’y sera pas si difficile que vous.

Ma mère sortit outrée de cette réponse ironique, s’en plaignit quelques heures après à son fils, et n’eut pas lieu d’en être plus contente que de sa belle-fille. Il ne fit que rire de la querelle, qui n’était, disait-il, qu’un débat de femmes, qu’elles oublieraient le lendemain l’une et l’autre, et dont il ne devait pas se mêler.

Les dédains de la jeune marquise pour sa mère ne lui étaient pas nouveaux ; il savait déjà le peu de cas qu’elle faisait d’elle, et la différence qu’elle mettait entre la petite noblesse de campagne de cette mère et la haute naissance de feu le marquis son père : il l’avait plus d’une fois entendu badiner là-dessus, et n’en avait point été scandalisé. Ridiculement satisfait de la justice que cette jeune femme rendait au sang de son père, il abandonnait volontiers celui de sa mère à ses plaisanteries : peut-être le dédaignait-il lui-même, et ne le trouvait-il pas digne de lui. Sait-on les folies et les impertinences qui peuvent entrer dans la tête d’un jeune étourdi de grande condition, qui n’a jamais pensé que de travers ? Y a-t-il de misères d’esprit dont il ne soit capable ?