Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1825, tome 7.djvu/298

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qu’elle est actuellement malade et logée dans une misérable auberge, où elle occupe une chambre obscure qu’elle ne pouvait pas payer, et dont on allait la mettre dehors à moitié mourante, sans une femme de ce quartier-là, qui passait, qui ne la connaissait pas, et qui a eu pitié d’elle : je dis pitié à la lettre, ajoutai-je ; car cela ne s’appelle pas autrement, et il n’y a plus moyen de ménager les termes. (Et effectivement vous ne sauriez croire tout l’effet que ce mot produisit sur ceux qui étaient présents ; et ce mot qui les remua tant, peut-être aurait-il blessé leurs oreilles délicates, et leur aurait-il paru ignoble et de mauvais goût, si je n’avais pas compris, je ne sais comment, que pour en ôter la bassesse, et pour le rendre touchant, il fallait fortement appuyer dessus, et paraître surmonter la peine et la confusion qu’il me faisait à moi-même.)

Aussi les vis-je tous lever les mains, et donner par différents gestes des marques de surprise et d’émotion.

Oui, madame, repris-je, voilà quelle était la situation de votre belle-mère, quand nous l’avons été voir. On allait vendre ou du moins retenir son linge et ses habits, quand cette femme dont je parle a payé pour elle, sans savoir qui elle était, par pure humanité et sans prétendre lui faire un prêt.

Elle est encore dans cette auberge, d’où son état ne nous a pas permis de la tirer. Cette auberge, madame, est dans tel quartier, dans telle rue, et à telle enseigne. Consultez-vous là-dessus, consultez ces