Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1825, tome 7.djvu/384

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connaissez plus, mes enfants ? Ne suis-je pas votre père ? Oh ! leur père, tant qu’il vous plaira, lui dis-je, mais il n’est pas décent qu’ils vous appellent de ce nom-là. Est-ce donc qu’il est malhonnête d’être le père de ses enfants ? reprit-il ; qu’est-ce que c’est que cette mode-là ?

C’est, lui dis-je, que le terme de mon père est trop ignoble, trop grossier ; il n’y a que les petites gens qui s’en servent, mais chez les personnes aussi distinguées que messieurs vos fils, on supprime dans le discours toutes ces qualités triviales que donne la nature ; et au lieu de dire rustiquement mon père, comme le menu peuple, on dit monsieur, cela a plus de dignité.

Mes neveux rougirent beaucoup de la critique que je fis de leur impertinence ; leur père se fâcha, et ne se fâcha pas en monsieur, mais en vrai père et en père aubergiste.

Laissons là mes neveux, qui m’ont un peu détourné de mon histoire, et tant mieux, car il faut qu’on s’accoutume de bonne heure à mes digressions ; je ne sais pas pourtant si j’en ferai de fréquentes, peut-être que oui, peut-être que non ; je ne réponds de rien ; je ne me gênerai point ; je conterai toute