Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1825, tome 7.djvu/40

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Varthon, par quelque mot dit imprudemment, pouvait m’avoir donné quelques lumières, et c’est ce qu’il craignait.

Jusque-là je n’avais osé l’envisager ; je ne voulais pas qu’il vît dans mes yeux que j’étais instruite, et j’appréhendais de n’avoir pas la force de le lui dissimuler.

À la fin, il me sembla que je pouvais compter sur moi, et je levai les yeux pour répondre à ce qu’il venait de me dire.

Au sortir d’une aussi grande maladie que la mienne, on est si languissante qu’on en parait triste, répartis-je en examinant l’air qu’il avait lui-même. Ah ! madame, qu’on a de peine à commettre effrontément une perfidie ! Il faut que l’âme se sente bien déshonorée par ce crime-là ; il faut qu’elle ait une furieuse vocation pour être vraie, puisqu’elle surmonte si difficilement la confusion qu’elle a d’être fausse.

Figurez-vous que Valville ne put jamais soutenir mes regards, que jamais il n’osa fixer les siens sur moi, malgré toute l’assurance qu’il tâchait d’avoir.

En un mot, je ne le reconnus plus ; ce n’était plus le même homme ; il n’y avait plus de franchise, plus de naïveté, plus de joie de me voir dans cette physionomie autrefois si pénétrée et si attendrie quand j’étais présente. Tout l’amour en était effacé ; je n’y vis plus qu’embarras et qu’imposture ; je ne trouvai plus qu’un visage froid et contraint, qu’il tâchait d’animer, pour m’en cacher l’ennui, l’indifférence et la