Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1825, tome 7.djvu/401

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

n’importe, me dit-il, je suis bien aise que tu aies de quoi te ressouvenir de moi, prends ce que je te donne, cela ne t’engagera à rien. Jusqu’ici j’ai toujours refusé, ajouta-t-elle, et je crois que j’ai mal raisonné. Qu’en dis-tu ? C’est mon maître, il a de l’amitié pour moi ; car amitié ou amour, c’est la même chose, de la manière dont j’y réponds ; il est riche : eh ! pardi, c’est comme si ma maîtresse voulait me donner quelque chose, et que je ne voulusse pas. N’est-il pas vrai ? parle.

Moi ! répliquai-je, totalement rebuté des dispositions où je la voyais et résolu de la laisser pour ce qu’elle valait, si les choses vont comme vous le dites, cela est à merveille : on ne refuse point ce qu’une maîtresse nous donne, et dès que monsieur ressemble à une maîtresse, que son amour n’est que de l’amitié, voilà qui est bien. Je n’aurais pas deviné cette amitié-là, moi : j’ai cru qu’il vous aimait comme on aime à l’ordinaire une jolie fille ; mais dès qu’il est si sage et si discrète personne, allez hardiment ; prenez seulement garde de broncher avec lui, car un homme est toujours traître.

Oh ! me dit-elle, je sais bien à quoi m’en tenir ; et elle avait raison, il n’y avait plus de conseil à prendre, et ce qu’elle m’en disait, n’était que pour m’apprivoiser petit à petit sur la matière.

Je suis charmée, me dit-elle en me quittant, que tu sois de mon sentiment : adieu, Jacob. Je vous salue, mademoiselle, lui répondis-je, et je vous fais mes compliments de l’amitié de votre amant ; c’est un