Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1825, tome 7.djvu/408

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donc ! il n’y a que deux ou trois mois que tu es ici, et tu as déjà fait une conquête ? à peine es-tu débarqué, que tu tournes la tête à de jolies filles ; Geneviève est folle de toi, et apparemment que tu l’aimes à ton tour ?

Hélas ! monsieur, repris-je, que m’aurait-elle fait pour la haïr, la pauvre enfant ? Oh ! me dit-il, parle hardiment, tu peux t’ouvrir à moi ; il y a longtemps que ton père me sert, je suis content de lui, et je serai ravi de faire du bien au fils, puisque l’occasion s’en présente ; il est heureux pour toi de plaire à Geneviève, et j’approuve ton choix ; tu es jeune et bien fait, sage et actif, dit-on ; de son côté, Geneviève est une fille aimable, je protège ses parents, et ne l’ai même fait entrer chez moi que pour être plus à portée de lui rendre service, et de la bien placer. (Il mentait.) Le parti qu’elle prend rompt un peu mes mesures ; tu n’as encore rien, je lui aurais ménagé un mariage plus avantageux ; mais enfin elle t’aime et ne veut que toi, à la bonne heure. Je songe que mes bienfaits peuvent remplacer ce qui te manque, et te tenir lieu de patrimoine. Je lui ai déjà fait présent d’une bonne somme d’argent dont je vous indiquerai l’emploi ; je ferai plus, je vous meublerai une petite maison, dont je payerai les loyers pour vous soulager, en attendant que vous soyez plus à votre aise ; du reste, ne t’embarrasse pas, je te promets des commissions lucratives ; vis bien avec la femme que je te donne, elle est douce et vertueuse ; au surplus, n’oublie jamais que tu as pour le moins la moitié de part