Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1825, tome 7.djvu/458

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Vraiment, dit l’aînée, qui sentit cette inégalité de partage, et l’oubli qu’on avait d’abord fait d’elle ; vraiment, monsieur, nous savons bien que vous nous considérez toutes deux l’une autant que l’autre, et que votre piété n’admet point de préférence, comme cela est juste.

Le ton de ce discours fut un peu aigre, quoique prononcé en riant, de peur qu’on n’y vît de la jalousie.

Hélas ! ma sœur, reprit la cadette un peu vivement, je ne l’entends pas autrement non plus, et quand même monsieur serait plus attaché à vous qu’à moi, je n’y trouverais rien à redire ; il vous rendrait justice ; il connaît le fond de votre âme, et les grâces que Dieu vous fait, et vous êtes assurément bien plus digne de son attention que moi.

Mes chères sœurs, leur répondit là-dessus cet ecclésiastique, qui voyait que ce petit débat venait par sa faute, ne vous troublez point ; vous m’êtes égales devant Dieu, parce que vous l’aimez également toutes deux ; et si mes soins avaient à se fixer plus sur l’une que sur l’autre, ce serait en faveur de celle que je verrais marcher le plus lentement dans la voie de son salut ; sa faiblesse m’y attacherait davantage, parce qu’elle aurait plus besoin de secours ; mais, grâce au ciel, vous marchez toutes deux du même pas, aucune