Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1825, tome 7.djvu/469

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ici, puisque vous en bannissez la paix, sans y contribuer que de votre présence.

Une de ces demoiselles vous souffre volontiers, mais l’autre ne veut point de vous : ainsi vous mettez la division entre elles, et ces filles pieuses qui, avant que vous fussiez ici, ne disputaient que de douceur, de complaisance, et d’humilité l’une avec l’autre, les voilà qui vont se séparer pour l’amour de vous ; vous êtes la pierre de scandale pour elles ; vous devez vous regarder comme l’instrument du démon ; c’est de vous dont il se sert pour les désunir, pour leur enlever la paix dans laquelle elles vivaient, en s’édifiant réciproquement. À mon égard, j’en ai le cœur saisi, et je vous déclare, de la part de Dieu, qu’il vous arrivera quelque grand malheur, si vous ne prenez pas votre parti. Je suis bien aise de vous avoir rencontré en m’en allant ; car si j’en juge par votre physionomie, vous êtes un garçon sage et de bonnes mœurs, et vous ne résisterez pas aux conseils que je vous donne pour votre bien, et pour celui de tout le monde ici. Moi ! monsieur, un garçon de bonnes mœurs ? lui dis-je après l’avoir écouté d’un air distrait et peu touché de son exhortation. Vous dites que vous voyez à ma physionomie que je suis sage ? non, monsieur, vous vous méprenez, vous ne songez pas à ce que vous dites ; je vous soutiens que vous ne voyez point cela sur ma mine ; au contraire, vous me trouvez l’air d’un fripon qui n’aura pas les mains engourdies pour emporter l’argent d’une maison ; il ne faut pas se fier à moi, je pourrais fort bien couper la gorge aux gens