Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1825, tome 7.djvu/510

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parti prendre, ni à quel genre de vie je devais me destiner en me séparant d’avec elle ; j’avais quelquefois envie de me mettre en pension ; mais cette façon de vivre a ses désagréments, il faut le plus souvent sacrifier ce qu’on veut à ce que veulent les autres, et cela m’en dégoûtait. Je songeais quelquefois au mariage : Je ne suis pas encore en âge d’y renoncer, me disais-je ; je puis apporter un assez beau bien à celui qui m’épousera ; et si je rencontre un honnête homme, un esprit doux, un bon caractère, voilà du repos pour le reste de mes jours. Mais cet honnête homme, où le trouver ? Je voyais bien des gens qui me jetaient des discours à la dérobée pour m’attirer à eux. Il y en avait de riches, mais ils ne me plaisaient point ; les uns étaient d’une profession que je n’aimais pas ; j’apprenais que les autres n’avaient point de conduite ; celui-ci aimait le vin, celui-là le jeu, un autre les femmes ; car il y a si peu de personnes dans le monde qui vivent dans la crainte de Dieu, si peu qui se marient pour remplir les devoirs de leur état ! Parmi ceux qui n’avaient point ces vices-là, l’un était un étourdi, l’autre était sombre et mélancolique, et je cherchais quelqu’un d’un caractère ouvert et gai, qui eût le cœur bon et sensible, qui répondît à la tendresse que j’aurais pour lui. Peu m’importait qu’il fût riche ou pauvre, qu’il eût quelque rang ou qu’il n’en eût pas. Je n’étais pas délicate non plus sur l’origine, pourvu qu’elle fût honnête ; c’est-à-dire, pourvu qu’elle ne fût qu’obscure, et non pas vile et méprisable ; et j’avais raison de penser modestement là-