Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1825, tome 7.djvu/78

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C’est surtout l’honnête homme, ce me semble, et non pas l’homme de condition, qui peut mériter d’être à vous, mademoiselle ; et comme je suis honnête homme, je pense, autant qu’on peut l’être, j’ai cru que cette qualité, jointe à la fortune que j’ai et qui nous suffirait, pourrait vous déterminer à accepter mes offres.

Il n’y a pas à hésiter sur l’estime que j’en dois faire, elles sont d’une générosité infinie, lui répondis-je ; mais souffrez que je vous le dise encore, y avez-vous bien réfléchi ? Je n’ai rien, j’ignore à qui je dois le jour, je ne subsiste depuis le berceau que par des secours étrangers ; j’ai vu plusieurs fois l’instant où j’allais devenir l’objet de la charité publique ; et tout cela a rebuté M. de Valville, malgré l’inclination qu’il avait pour moi. Monsieur, prenez-y garde.

Ma foi ! mademoiselle, tant pis pour lui, me répondit-il ; ce ne sera jamais là le plus bel endroit de sa vie. Au surplus, vous ne risquez avec moi rien de pareil à ce qui vous est arrivé avec lui ; M. de Valville vous aimait, et moi, mademoiselle, ce n’est point l’amour qui m’a amené ici. J’avais bien entendu dire que vous étiez belle ; mais on n’est pas sensible à des charmes qu’on n’a jamais vus, et qu’on ne sait