Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1825, tome 7.djvu/93

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champ prendre cet enfant-ci, et que c’est moi qui la payerai. Courez vite, et recommandez-lui qu’elle se hâte.

L’étourdissement qui l’avait pris s’était alors entièrement passé ; il me fit, dit-on, quelques caresses, remonta à cheval, et poursuivit son chemin.

Il n’était pas encore à cent pas de la maison, que son fils arriva avec une nourrice qu’il n’avait pu trouver plus tôt. Le paysan lui conta ce qui venait de se passer, et le fils pénétré de la bonté d’un père si tendre quoique offensé, remonta à son tour à cheval, et courut à toute bride pour aller lui en marquer sa reconnaissance.

M. de Tervire, qui le vit venir, et qui se doutait bien de quoi il était question, s’arrêta, et son fils, après avoir mis pied à terre à quelques pas de lui, vint se jeter à ses genoux, les larmes aux yeux, et sans pouvoir prononcer un mot.

Je sais ce qui vous amène, lui dit M. de Tervire, ému lui-même de l’action de son fils. Votre fille a besoin de secours, je viens de lui en envoyer chercher. S’il arrive assez tôt pour elle, je ne laisserai point imparfait le service que j’ai voulu lui rendre, et je ne lui aurai point sauvé la vie pour l’exposer à ne pas vivre heureuse. Allez, Tervire ; votre fille vient tout à l’heure de devenir la mienne. Qu’on la porte chez moi ; menez-y votre femme, faites-vous dès aujourd’hui donner au château l’appartement qu’occupait votre mère, et que je vous trouve logés tous deux quand je reviendrai ce soir. Si Mme