Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1825, tome 7.djvu/97

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chérie, qui lui représentait mon père à qui je ressemblais ; cette enfant qui lui adoucissait l’idée de sa mort, qui quelquefois, disait-elle, le rendait comme présent à ses yeux, et lui aidait à se faire accroire qu’il vivait encore (car c’était là ce qu’elle avait dit cent fois) ; cette enfant ne fut presque pas moins oubliée qu’il l’était lui-même, et devint à peu près comme une orpheline.

Une grossesse vint encore me nuire, et acheva de distraire ma mère de l’attention qu’elle me devait.

Elle m’abandonna aux soins de la concierge du château ; il se passait des quinze jours entiers sans qu’elle me vît, sans qu’elle demandât de mes nouvelles ; et vous pensez bien que mon beau-père ne songeait pas à la tirer de son indifférence à cet égard.

Je vous parle de mon enfance, parce que vous m’avez conté la vôtre.

Cette concierge avait de petites filles à peu près de mon âge, à qui elle partageait, ou plutôt à qui elle donnait ce qu’elle demandait pour moi au château ; et comme elle se voyait là-dessus à sa discrétion, qu’on ne veillait point sur sa conduite, il lui aurait fallu des sentiments bien nobles et bien au-dessus de son état pour me traiter aussi bien que ses enfants, et pour ne pas abuser en leur faveur du peu de souci qu’on avait de moi.

Mme de Tresle (je parle de ma grande mère) qui ne demeurait qu’à trois lieues de nous, et qui ne se doutait pas que cette chère enfant, que cette petite de Tervire fût si délaissée ; qui, quelque temps auparavant,