Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1827, tome 8.djvu/125

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De temps en temps je disais un : oui, sans doute, vraiment non, vous avez raison ; et le tout conformément au sentiment que je voyais être le plus général.

L’officier, chevalier de Saint-Louis, fut celui qui engagea le plus la conversation. Cet air d’honnête guerrier qu’il avait, son âge, sa façon franche et aisée, apprivoisèrent insensiblement notre plaideur, qui était assez taciturne, et qui rêvait plus qu’il ne parlait.

Je ne sais d’ailleurs par quel hasard notre officier parla au jeune homme d’une femme qui plaidait contre son mari, et qui voulait se séparer d’avec lui.

Cette matière intéressa le plaideur, qui, après avoir envisagé deux ou trois fois l’officier, et pris apparemment quelque amitié pour lui, se mêla à l’entretien, et s’y mêla de si bon cœur que, de discours en discours, d’invectives en invectives contre les femmes, il avoua insensiblement qu’il était dans le cas de l’homme dont on s’entretenait, et qu’il plaidait aussi contre sa femme.

À cet aveu, on laissa là l’histoire dont il était question, pour venir à la sienne ; et on avait raison : l’une était bien plus intéressante que l’autre, et c’était, pour ainsi dire, préférer un original à la simple copie.

Ah ! ah ! monsieur, vous êtes en procès avec votre femme, lui dit le jeune homme ; cela est fâcheux : c’est une triste situation que celle-là pour un galant homme ; eh ! pourquoi donc vous êtes-vous brouillés ensemble ?

Bon, pourquoi ? reprit l’autre ; est-ce qu’il est