Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1827, tome 8.djvu/126

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si difficile de se brouiller avec sa femme ? être son mari, n’est-ce pas avoir déjà un procès tout établi contre elle ? Tout mari est plaideur, monsieur, ou il se défend, ou il attaque : quelquefois le procès ne passe pas la maison, quelquefois il éclate, et le mien a éclaté.

Je n’ai jamais voulu me marier, dit alors l’officier ; je ne sais si j’ai bien ou mal fait, mais jusqu’ici je ne m’en repens pas. Que vous êtes heureux, reprit l’autre, je voudrais bien être à votre place. Je m’étais pourtant promis de rester garçon ; j’avais même résisté à nombre de tentations qui méritaient plus de m’emporter que celle à laquelle j’ai succombé ; je n’y comprends rien, on ne sait comment cela arrive : j’étais amoureux, mais fort doucement et de moitié moins que je ne l’avais été ailleurs ; cependant j’ai épousé.

C’est que sans doute la personne était riche ? dit le jeune homme. Non, reprit-il, pas plus riche qu’une autre, et même pas si jeune. C’était une grande fille de trente-deux à trente-trois ans, et j’en avais quarante. Je plaidais contre un certain neveu que j’ai, grand chicaneur, avec qui je n’ai pas fini, et que je ruinerai comme un fripon qu’il est, dussé-je y manger