Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1827, tome 8.djvu/161

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en jetant de hauts cris. Ma mère, épouvantée, voulut se sauver aussi, et tomba de précipitation ; le bourgeois s’enfuit, quoiqu’il eût une épée à son côté.

Le gentilhomme seul, tirant la sienne, resta, accourut à moi, fit face au loup et l’attaqua dans le moment qu’il allait se jeter sur moi et me dévorer.

Il le tua, non sans courir risque de la vie, car il fut blessé en plusieurs endroits, et même renversé par le loup, avec qui il se roula longtemps sur la terre sans quitter son épée, dont enfin il acheva ce furieux animal.

Quelques paysans dont les maisons étaient voisines de ce lieu, et qui avaient entendu nos cris, ne purent arriver qu’après que le loup fut tué, et enlevèrent le gentilhomme qui ne s’était pas encore relevé, qui perdait beaucoup de sang, et qui avait besoin d’un prompt secours.

De mon côté, j’étais à six pas de là, tombée et évanouie, aussi bien que ma mère qui était un peu plus loin dans le même état, de sorte qu’il fallut nous emporter tous trois jusqu’à notre maison, dont nous nous étions assez écartés en nous promenant.

Les morsures que le loup avait faites au gentilhomme étaient fort guérissables ; mais sur la fureur de cet