Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1827, tome 8.djvu/201

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Doucement, dit la malade en respirant à plusieurs reprises, et pendant que je faisais la révérence pour m’en aller, doucement, il ne savait pas comment j’étais, le pauvre garçon. Adieu donc, monsieur de la Vallée. Hélas ! c’est lui qui se porte bien ! Voyez qu’il a l’air frais ! mais il n’a que vingt ans. Adieu, adieu, nous nous reverrons, ceci ne sera rien, je l’espère. Et moi, madame, je le souhaite de tout mon cœur, lui dis-je en me retirant et ne saluant qu’elle ; aussi bien l’autre, à vue de pays, eût-elle reçu ma révérence en ingrate, et je sortis pour aller chez moi.

Remarquez, chemin faisant, l’inconstance des choses de ce monde. La veille j’avais deux maîtresses, ou si vous voulez, deux amoureuses ; le mot de maîtresse signifie trop ici ; communément il veut dire une femme qui a donné son cœur, et qui veut le vôtre ; et les deux personnes dont je parle, ne m’avaient je pense, ni donné le leur, ni ne s’étaient souciées d’avoir le mien, qui ne s’était pas non plus soucié d’elles.

Je dis les deux personnes ; car je crois pouvoir compter Mme de Fécour, et la joindre à Mme de Ferval ; et en vingt- quatre heures de temps, en voilà une qu’on me souffle, que je perds en la tenant ; et l’autre qui se meurt ; car Mme de Fécour m’avait paru mourante ; et supposons qu’elle en réchappât, nous allions être quelque temps sans nous voir ; son amour n’était qu’une fantaisie, les fantaisies se passent ; et puis n’y avait-il que moi de gros garçon à Paris qui fût joli et qui n’eût que vingt ans ?