Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1827, tome 8.djvu/40

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

qu’elle me tenait ces discours, et elle ne pouvait pas en trouver de bonnes.

Voilà de mauvaises plumes, dit-elle, en tâchant d’en tailler, ou plutôt d’en raccommoder une ; quel âge avez-vous ? Bientôt vingt ans, madame, lui dis-je en gros. C’est le véritable âge de faire fortune, reprit-elle ; vous n’avez besoin que d’amis qui vous poussent, et je veux vous en donner ; car j’aime votre Mlle Habert, et je lui sais bon gré de ce qu’elle fait pour vous ; elle a du discernement. Mais est-il vrai qu’il n’y a que quatre ou cinq mois que vous arrivez de campagne ? on ne le croirait point à vous voir, vous n’êtes point hâlé, vous n’avez point l’air campagnard ; il a le plus beau teint du monde.

À ce compliment les roses du beau teint augmentèrent ; je rougis un peu par pudeur, mais bien plus par je ne sais quel sentiment de plaisir qui me vint de me voir loué sur ce ton-là par une femme de cette considération.

On se sent bien fort et bien à son aise, quand c’est par la figure qu’on plaît, car c’est un mérite qu’on n’a point de peine à soutenir ni à faire durer ; cette figure ne change point, elle est toujours là, vos agréments y tiennent ; et comme c’est à eux qu’on en veut, vous ne craignez point que les gens se détrompent