Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1827, tome 8.djvu/41

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sur votre chapitre, et cela vous donne de la confiance.

Je crois que je plais par ma personne, disais-je donc en moi-même. Et je sentais en même temps l’agréable et le commode de cette façon de plaire ; ce qui faisait que j’avais l’air assez aisé.

Cependant les plumes allaient toujours mal ; on essayait de les tailler, on ne pouvait en venir à bout, et tout en se dépitant, on continuait la conversation.

Je ne saurais écrire avec cela, me dit-elle ; ne pourriez-vous pas m’en tailler une ?

Oui-da, madame, lui dis-je, je vais tâcher. J’en prends donc une, et je la taille.

Vous mariez-vous cette nuit ? reprit-elle pendant que j’étais après cette plume. Je crois qu’oui, madame.

Eh ! dites-moi, ajouta-t-elle en souriant, Mlle Habert vous aime beaucoup, mon garçon, je n’en doute pas, et je n’en suis point surprise ; mais entre nous, l’aimez-vous un peu aussi ? avez-vous de l’amour pour elle ? là, ce que l’on appelle de l’amour, ce n’est pas de l’amitié que j’entends, car de cela elle en mérite beaucoup de votre part, et vous n’êtes pas obligé au reste ; mais a-t-elle quelques charmes à vos yeux, toute âgée qu’elle est ?

Ces derniers mots furent prononcés d’un ton badin qui me dictait ma réponse, qui semblait m’exciter à dire que non, et à plaisanter de ses charmes. Je sentis que je lui ferais plaisir de n’être pas impatient de les posséder, et ma foi ! je n’eus pas la force de lui refuser ce qu’elle demandait.