Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1827, tome 8.djvu/47

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papiers que vous copierez, et nous causerons sur les moyens de vous rendre service dans la suite. Allez, mon cher enfant, soyez sage, j’ai de bonnes intentions pour vous, dit-elle d’un ton plus bas avec douceur, et en me tendant la lettre d’une façon qui voulait dire : Je vous tends la main aussi ; du moins je le compris de même, de sorte qu’en recevant le billet, je baisai cette main qui paraissait se présenter, et qui ne fit point la cruelle, malgré la vive et affectueuse reconnaissance avec laquelle je la baisais, et cette main était belle.

Pendant que je la tenais : Voilà encore ce qu’il ne faut point dire, me glissa-t-elle en me quittant. Oh ! je suis honnête garçon, madame, lui répondis-je bien confidemment, en vrai paysan pour le coup, en homme qui convient de bonne foi qu’on ne le maltraite pas, et qui ne sait pas vivre avec la pudeur des dames.

Le trait était brutal ; elle rougit légèrement, car je n’étais pas digne qu’elle en rougît beaucoup ; je ne savais pas l’indécence que je faisais ; ainsi elle se remit sur-le-champ, et je vis que, toute réflexion faite, elle était bien aise de cette grossièreté qui m’était échappée ; c’était une marque que je comprenais ses sentiments, et cela lui épargnait les détours qu’elle aurait été obligée de prendre une autre fois pour me les dire.

Nous nous quittâmes donc ; elle rentra dans l’appartement de Mme la présidente, et moi, je me retirai plein d’une agréable émotion.

Est-ce que vous aviez dessein de l’aimer ? me direz-vous. Je n’avais aucun dessein déterminé ; j’étais seulement