Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1827, tome 8.djvu/74

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repentir, promit de les laisser en repos, puis continua, puis acheva de se brouiller avec le défunt qui rompit avec lui ; et il porta enfin l’infidélité jusqu’à se proposer pour gendre au père, qui l’accepta, et qui voulut inutilement forcer sa fille à l’épouser.

Nos amants, désespérés, eurent recours à d’autres moyens, tant pour s’écrire que pour se parler. Une veuve âgée, qui avait été la femme de chambre de la mère de la demoiselle, les recueillit dans sa maison, où ils allaient quelquefois se trouver, pour voir ensemble quelles mesures il y avait à prendre ; l’autre le sut, en devint furieux de jalousie ; c’était un homme violent, apparemment sans caractère, et de ces âmes qu’une grande passion rend méchantes et capables de tout. Il les fit suivre un jour qu’ils se rendirent chez la veuve, y entra après eux, les y surprit au moment que son ami baisait la main de la demoiselle, et dans sa fureur le blessa d’abord d’un coup d’épée, qu’il allait redoubler d’un autre, quand la demoiselle, qui voulut se jeter sur lui, le reçut et tomba ; celui-ci s’enfuit, et on sait le reste de l’histoire. Retournons à moi.

Notre secrétaire revint, et nous dit que je sortirais le lendemain. Passons à ce lendemain, tout ce détail de prison est triste.

Mlle Habert me vint prendre à onze heures du matin ; elle ne monta pas, elle me fit avertir, je descendis, un carrosse m’attendait à la porte, et quel carrosse ? celui de Mme de Ferval, où Mme de Ferval était elle-même, et cela pour donner