Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1827, tome 8.djvu/82

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Oui-da, madame, dit Mlle Habert, et nous vous serons fort obligés de le faire avertir. J’irai moi-même tantôt chez lui, nous dit-elle ; il s’agit de dîner, à présent ; allons, venez manger ma soupe, vous me donnerez à souper ce soir ; et de témoins pour votre mariage, je vous en fournirai qui ne seront pas si glorieux que les premiers.

Mais tous ces menus récits m’ennuient moi-même ; sautons-les, et supposons que le soir est venu, que nous avons soupé avec nos témoins, qu’il est deux heures après minuit, et que nous partons pour l’église.

Enfin pour le coup nous y sommes, la messe est dite, et nous voilà mariés en dépit de notre sœur aînée et du directeur son adhérent, qui n’aura plus ni café ni pain de sucre de Mme de la Vallée.

J’ai bien vu des amours en ma vie, au reste, bien des façons de dire et de témoigner qu’on aime, mais je n’ai rien vu d’égal à l’amour de ma femme.

Les femmes du monde les plus vives, les plus tendres, vieilles ou jeunes, n’aiment point dans ce goût-là, je leur défierais même de l’imiter ; non, pour ressembler à Mlle Habert, que je ne devrais plus nommer ainsi, il ne sert de rien d’avoir le cœur le plus sensible du monde ; joignez-y de l’emportement, cela n’avance de rien encore ; mettez enfin dans le cœur d’une femme tout ce qui vous plaira, vous ferez d’elle quelque chose de fort vif, de fort passionné, mais vous n’en ferez point une Mlle Habert ; tout l’amour dont elle sera capable ne