Page:Marivaux - Œuvres complètes, édition Duviquet, 1827, tome 8.djvu/88

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robe de chambre, et me la jette sur le lit ; tenez, me dit-elle, elle est belle et bonne, gardez-la, je vous en ferai bon compte.

La veux-tu ? me dit Mme de la Vallée. Oui-da, repris-je ; à combien est-elle ? je ne sais pas marchander.

Et là-dessus : Je vous la laisse à tant, c’est marché donné. Non, c’est trop. Ce n’est pas assez. Bref, elles convinrent, et la robe de chambre me demeura ; je la payai de l’argent qui me restait de ma prison.

Nous prîmes notre café ; Mme de la Vallée confia mes besoins, tant en habits qu’en linge, à notre hôtesse, et la pria de l’aider l’après-midi dans ses achats, mais quant à l’habit, le hasard en ordonna autrement.

Un tailleur, à qui Mme d’Alain louait quelques chambres dans le fond de la maison, vint un quart d’heure après lui apporter un reste de terme qu’il lui devait. Eh ! pardi, monsieur Simon, vous arrivez à propos, lui dit-elle en me montrant, voilà une pratique pour vous, nous allons tantôt lever un habit pour ce monsieur-là.

M. Simon me salua, me regarda : Eh ! ma foi, dit-il, ce ne serait pas la peine de lever de l’étoffe, j’ai chez moi un habit tout battant neuf à qui je mis hier le dernier point, et que l’homme à qui il est m’a laissé pour les gages, à cause qu’il n’a pas pu me payer l’avance que je lui en ai faite, et que hier au matin, ne vous déplaise, il a délogé de son auberge sans dire adieu à personne ; je crois qu’il sera juste à monsieur,