Page:Marivaux - Théâtre, vol. I.djvu/11

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ce n’est pas fini) se font aimer sensiblement du public toutes les fois qu’on les lui présente.

Le style de Marivaux est parfaitement conforme à sa manière de penser et de sentir. Il est fin, délicat, un peu subtil et un peu cherché. On a créé un mot pour lui : on l’appelle marivaudage. Il consiste à exprimer l’idée en jouant, pour ainsi dire, avec elle, comme on fait jouer les feux d’un diamant ; le style de Marivaux est à facettes et taillé avec un soin prodigieux pour recevoir et pour renvoyer la lumière. Il est tout le contraire du style direct de Molière. Il ne va pas droit au but ; il tourne et il contourne ; il a des évolutions savantes et de brusques démarches ; il ressemble à une escrime fine et adroite. C’est un prestige, sans doute ; mais souvent c’est un enchantement. Le malheur c’est que Marivaux le donne un peu à tous les personnages. On a trop dit que tous les personnages de Marivaux parlent la même langue ; mais il faut convenir qu’ils ont tous fréquenté Marivaux et qu’il leur en est, incontestablement, resté quelque chose.

Somme toute, ce théâtre est plaisant, aimable, gracieux, touchant quelquefois, délicat souvent, jusqu’à en être exquis, et, toujours, de la meilleure compagnie qui se puisse. On demandait à Fontenelle : « Vous n’avez donc jamais ri, Monsieur de Fontenelle ? — Jamais ri ? Il faut s’entendre. Je n’ai jamais fait :