Page:Marivaux - Théâtre, vol. I.djvu/113

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remplie de femmes et de tendresses ; ces maudites idées-là me suivent partout, et elles m’assiègent. Arlequin d’un côté, les folies de la comtesse de l’autre ; et toi aussi ?

Jacqueline.

Monsieur, c’est que je vians vous dire que je veux m’en aller.

Lélio.

Pourquoi ?

Jacqueline.

C’est que Piarre ne m’aime plus ; ce misérable-là s’est amouraché de la fille à Thomas. Tenez, monsieur, ce que c’est que la cruauté des hommes ! Je l’ai vu qui batifolait avec elle ; moi, pour le faire venir, je lui ai fait comme ça avec le bras : « Hé ! hi ! allons » ; et le vilain qu’il est, m’a fait comme cela un geste du coude ; cela voulait dire : « a te promener. » Oh ! que les hommes sont traîtres ! Voilà qui est fait, j’en suis si soûle que je n’en veux plus entendre parler ; et je vians pour cet effet vous demander mon congé.

Lélio.

De quoi s’avise ce coquin-là, d’être infidèle ?

Jacqueline.

Je ne comprends pas cela ; il m’est avis que c’est un rêve.

Lélio.

Tu ne le comprends pas ? C’est pourtant un vice dont il a plu aux femmes d’enrichir l’humanité.

Jacqueline.

Qui que ce soit, voilà de belles richesses qu’on a boutées là dans le monde.