Page:Marivaux - Théâtre, vol. I.djvu/205

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jamais Flaminia, qui n’a rien tant souhaité que votre bonheur.

Arlequin.

M’amie, vous me gagnez le cœur. Conseillez-moi dans ma peine ; avisons-nous ; quelle est votre pensée ? Car je n’ai point d’esprit, moi, quand je suis fâché. Il faut que j’aime Silvia ; il faut que je vous garde ; il ne faut pas que mon amour pâtisse de notre amitié, ni notre amitié de mon amour ; et me voilà bien embarrassé.

Flaminia.

Et moi bien malheureuse ! Depuis que j’ai perdu mon amant, je n’ai eu de repos qu’en votre compagnie, je respire avec vous ; vous lui ressemblez tant, que je crois quelquefois lui parler ; je n’ai vu dans le monde que vous et lui de véritablement aimables.

Arlequin.

Pauvre fille ! il est fâcheux que j’aime Silvia ; sans cela je vous donnerais de bon cœur la ressemblance de votre amant. C’était donc un joli garçon ?

Flaminia.

Ne vous ai-je pas dit qu’il était comme vous, que vous êtes son portrait ?

Arlequin.

Et vous l’aimiez donc beaucoup ?

Flaminia.

Regardez-vous, Arlequin ; voyez combien vous méritez d’être aimé, et vous verrez combien je l’aimais.

Arlequin.

Je n’ai vu personne répondre si doucement que vous. Votre amitié se met partout. Je n’aurais