Page:Marivaux - Théâtre, vol. I.djvu/23

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La Fée.

Voulez-vous prendre votre leçon, pour l’amour de moi ?

Arlequin.

Non.

La Fée.

Quoi ! vous me refusez si peu de chose, à moi qui vous aime ?

(Alors Arlequin lui voit une grosse bague au doigt ; il lui va prendre la main, regarde la bague, et lève la tête en se mettant à rire niaisement.)

La Fée.

Voulez-vous que je vous la donne ?

Arlequin.

Oui-dà.

La Fée tire la bague de son doigt, et la lui présente. Comme il la prend grossièrement, elle lui dit.

Mon cher Arlequin, un beau garçon comme vous, quand une dame lui présente quelque chose, doit baiser la main en le recevant.

(Arlequin alors prend goulûment la main de la fée qu’il baise.)
La Fée, à Trivelin.

Il ne m’entend pas ; mais du moins sa méprise m’a fait plaisir. (Elle ajoute :) Baisez la vôtre à présent. (Arlequin alors baise le dessus de sa main ; la fée soupire, et lui donnant sa bague, lui dit :) La voilà ; en revanche, recevez votre leçon.

(Alors le maître à danser apprend à Arlequin à faire la révérence. Arlequin égaie cette scène de tout ce que son génie peut lui fournir de propre au sujet.

Arlequin.

Je m’ennuie.

La Fée.

En voilà donc assez ; nous allons tâcher de vous divertir.