Page:Marivaux - Théâtre, vol. I.djvu/265

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

vous serez charmante impunément ; il faut que vous le voyiez, et que cela vous console, et qu’il vous plaise de vivre. (On apporte la toilette. Elle prend un siège.) Allons, madame, mettez-vous là, que je vous ajuste : tenez, le savant que vous avez pris chez vous ne vous lira point de livre si consolant que ce que vous allez voir.

La Marquise.

Oh ! tu m’ennuies : qu’ai-je besoin d’être mieux que je ne suis ? Je ne veux voir personne.

Lisette.

De grâce, un petit coup d’œil sur la glace, un seul petit coup d’œil ; quand vous ne le donneriez que de côté, tâtez-en seulement.

La Marquise.

Si tu voulais bien me laisser en repos.

Lisette.

Quoi ! votre amour-propre ne dit plus mot, et vous n’êtes pas à l’extrémité ! cela n’est pas naturel, et vous trichez. Faut-il vous parler franchement ? je vous disais que vous étiez plus belle qu’à l’ordinaire ; mais la vérité est que vous êtes très changée, et je voulais vous attendrir un peu pour un visage que vous abandonnez bien durement.

La Marquise.

Il est vrai que je suis dans un terrible état.

Lisette.

Il n’y a donc qu’à emporter la toilette ? La Brie, remettez cela où vous l’avez pris.

La Marquise.

Je ne me pique plus ni d’agrément ni de beauté.