Page:Marivaux - Théâtre, vol. I.djvu/335

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Le Chevalier, riant.

Eh ! mais, en vérité, par où jugez-vous qu’il y en ait ? Qu’est-ce que c’est que cette idée-là ?

Le Comte.

Moi, je n’en juge point, je vous le demande.

Le Chevalier.

Hum ! vous avez pourtant la mine d’un homme qui le croit.

Le Comte.

Eh bien, débarrassez-vous de cela ; dites-moi oui ou non.

Le Chevalier, riant.

Eh, eh ! monsieur le comte, un homme d’esprit comme vous ne doit point faire de chicane sur les mots ; le oui et le non, qui ne se sont point présentés à moi, ne valent pas mieux que le langage que je vous tiens ; c’est la même chose, assurément : il y a entre la marquise et moi une amitié et des sentiments vraiment respectables. Êtes-vous content ? Cela est-il net ? Voilà du français.

Le Comte, à part.

Pas trop… (Haut.) On ne saurait mieux dire, et j’ai tort ; mais il faut pardonner aux amants, ils se méfient de tout.

Le Chevalier.

Je sais ce qu’ils sont par mon expérience. Revenons à vous et à vos amours, je m’intéresse beaucoup à ce qui vous regarde ; mais n’allez pas encore empoisonner ce que je vais vous dire ; ouvrez-moi votre cœur. Est-ce que vous voulez continuer d’aimer la marquise ?

Le Comte.

Toujours.