Page:Marivaux - Théâtre, vol. I.djvu/359

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Lisette.

Oui, nous parlions d’une physionomie qui va et qui vient ; nous disions qu’un mari porte un masque avec le monde, et une grimace avec sa femme.

Monsieur Orgon.

De tout cela, ma fille, je comprends que le mariage t’alarme, d’autant plus que tu ne connais point Dorante.

Lisette.

Premièrement, il est beau ; et c’est presque tant pis.

Monsieur Orgon.

Tant pis ! rêves-tu avec ton tant pis ?

Lisette.

Moi, je dis ce qu’on m’apprend ; c’est la doctrine de madame ; j’étudie sous elle.

Monsieur Orgon.

Allons, allons, il n’est pas question de tout cela. Tiens, ma chère enfant, tu sais combien je t’aime. Dorante vient pour t’épouser. Dans le dernier voyage que je fis en province, j’arrêtai ce mariage-là avec son père, qui est mon intime et mon ancien ami ; mais ce fut à condition que vous vous plairiez à tous deux, et que vous auriez entière liberté de vous expliquer là-dessus ; je te défends toute complaisance à mon égard. Si Dorante ne te convient point, tu n’as qu’à le dire, il repart ; si tu ne lui convenais pas, il repart de même.

Lisette.

Un duo de tendresse en décidera, comme à l’Opéra : Vous me voulez, je vous veux ; vite un notaire ! ou bien : M’aimez-vous ? non ; ni moi non plus ; vite à cheval !